(alex/ava) ends of the earth -- alex & ava

@Alex Sorensen @Avalon Clarke

[ENDS OF THE EARTH]

T’es avachi·e sur ton canapé, les yeux rivés sur l’écran de ton ordinateur, la main vissée à ta souris et tu dessines. Pratiquement toute ta concentration passe dans ton trait, des courbes tracées à la plume sur ton logiciel, nettes, précises. Objectif : Une série d’illustrations mignonnes pour suivre les publications d’une librairie indépendante. Des illustrations, t’en fais un paquet, et celles-ci ont le mérite d’avoir un petit côté rafraichissant et de t’apporter un peu d’air entre les travaux parfois denses que tu reçois habituellement. Ici, les clients sont sympa et ont tendance à te laisser partir dans tes directions. Iels te font confiance. Tu laisses ta patte, ta marque, et t’espères que ça va marquer les esprits pour que ça t’apporte d’autres clients et que tu puisses frimer un peu sur ton portfolio.

Du coup, tout·e concentré·e que tu es, tu remarques pas immédiatement les messages qui s’accumulent sur ton smartphone. Quand enfin du coin de l'œil tu remarques la petite LED qui s’allume brièvement en haut de l’écran, t’y jette un bref regard et tu perds totalement la lancée que t’avais sur ton taf.

Parce qu’apparemment, elle a… Quelque chose à te dire, maintenant. Genre, maintenant. Et tu supposes que c’est un truc important, et comme tu la connais bien, tu sais que ça a probablement un rapport avec ce sur quoi vous enquêtez toutes les deux depuis qu’elle est arrivée en ville. Autrement dit, quelque chose qui t’intéresse au plus haut niveau, une idée que t’as toujours dans le coin de ta tête, un rêve qui t’accompagne depuis que t’es gosse.
Tout naturellement, tu lâches ta souris et tu prépares son arrivée. Rien de bien fou, tu te contentes de faire un peu de place sur la table basse et de retirer le tas de fringues qui occupe le petit canapé. Faut bien qu’Ava aie une place où s’asseoir, non ? Après, tu la sais capable de se poser sur le tapis et t’es toi aussi faite de ce bois là, mais on va pas se plaindre d’un poil de confort.

Quand elle arrive, t’as déjà fait chauffer de l’eau et sorti tout ton assortiment pour pas mourir de soif ni s’assécher la gorge pendant vos longues discussions.

“Vas-y, installe-toi !”

T’es posé·e sur ton canap’, en pyjama, jambes croisées, et tu la laisses déposer ses affaires et s’installer à côté de toi. Et t’observes, et t’écoute, et… C’est étrange. Légèrement malaisant. Y’a un truc qui va pas, dès le début tu sais pas trop mettre le doigt dessus, mais ça se clarifie assez vite : T’as l’habitude qu’Ava parte dans tous les sens et tu sais assez bien la suivre parce que t’es comme ça toi aussi.
Mais aujourd’hui c’est différent. T’as l’impression qu’elle sait pas quoi dire, alors qu’elle avait l’air de vraiment savoir quoi dire quand t’as reçu son premier message.

Elle passe de Matt à une expédition au manoir, puis des photos, puis s’être fait avoir sans photos, puis faucher un blaireau, puis en fait on sait pas si c’était un blaireau, puis elle est plus dans la voiture, puis y’a plus Matt…

En bref, t’arrives pas à faire le lien entre tout ça et plus elle parle, plus tes sourcils se froncent et t’essaies de comprendre où elle veut en venir. T’acquiesces une fois de temps en temps pour signifier que t'écoutes toujours, que t'es là, tu suis.

Et quand elle y vient, tu sais pas trop quoi penser. Mais ça veut pas dire qu’y a rien à dire. Entre la curiosité et l’envie de résoudre le mystère (parce que c’en est assurément un) et l’inquiétude qui t’étreint pour ta camarade, tu fais vite le choix. Tu tend le bras, pose la main sur son épaule. Tu sais pas trop y faire, t’as jamais vraiment su, mais l’important c’est que tu fais de ton mieux. Et tu la fixes avec intensité pendant quelques instants. T’as un peu peur, pour être tout à fait honnête, mais ça te donne juste envie d’y plonger encore plus profondément pour comprendre et chasser la peur.

“J’pense qu’ils pourraient exister. Pourquoi pas ? J’veux dire, tu sais c’que j’en pense. Mais toi, t’es sure que ça va ? J’ai des aspirines ou j’sais pas quoi si tu veux...”

Parce que c’est ça qui t’importe sur le moment.

“J’vais prendre des notes. Au début, t’étais avec Matt et vous avez été prendre des photos au manoir, j’ai bon ? En suite, vous vous êtes fait pincer, donc vous êtes partis et vous avez eu un incident en voiture, et là il s’est passé un truc mais c’est pas clair.”

De ton côté, tu grattes le papier comme jamais en notant tout sur un bloc notes, mais tu la quittes pas des yeux, t’as besoin de savoir qu’elle va bien et elle a vraiment pas l’air d’aller bien.

“Et après tu m’as parlé de Chris. Il était pas là à la base, du coup t’as fait un crochet avant de venir ici ? Et puis c’est quoi cette histoire de marraine la bonne fée là ? Attend.”

Tu regardes ton téléphone, note sur ton carnet l’heure à laquelle elle t’a envoyé son message. T’essaies de relier les traits entre eux, de repérer la moindre incohérence, d’enquêter comme vous l’avez toujours fait toutes les deux, et tu t’inspires même de ses méthodes à elle. Agité·e, tu décroises les jambes pour poser le carnet sur tes cuisses.

“T’as ton ticket de caisse de chez Chris ?”

T’as besoin du maximum d’infos, et tu te dis que faire une timeline avec les évènements, les heures et les personnes impliquées pourrait aider. Avec tes notes en vrac, tes cheveux en vrac, ton pyjama en vrac et ton appartement en vrac, t’as vraiment la dégaine des complotistes chez qui Avara toque d’habitude. Et tu te dis que l’aider à démêler tout ça serait la meilleure façon de la rassurer.

@Alex Sorensen @Avalon Clarke

[ENDS OF THE EARTH]

Tu sais pas exactement ce qui arrive à Ava et ça t’inquiète. On peut le lire sur le pli de tes sourcils alors que tu gardes un moment ta main sur son épaule avant de la laisser. Elle essaie de se justifier, probablement l’accident, et tu te dis ouais : C’est probablement à cause de l’accident. C’est le genre d’évènement choquant qui peut bouleverser quelqu’un de l’intérieur. Enfin, de l’extérieur aussi, mais comme Ava a l’air d’avoir encore ses quatre membres et rien de cassé, tu te dis que c’est plutôt à l’intérieur.

Finalement, elle reprend les évènements depuis le début et toi tu sors un carnet pour tout noter dans les moindres détails. Tu gardes dans un coin de ta tête que c’est pas juste pour l’enquête ni entièrement pour assouvir ta curiosité grandissante que tu fais ça, mais aussi pour elle. Pour mettre le doigt sur l’origine de son trouble. Comprendre et soigner. T’es pas médecin ni psy, mais tu peux au moins essayer de faire quelque chose, non ? Bref, tout répéter te semble être une bonne idée.

Alors tu écris à mesure qu’elle raconte, comme si tu plaçais les choses une par une dans un agenda après que ça se soit déroulé. Et à chaque fois qu’il y a du flou, tu le notes en rouge. A éclaircir.
Sur ta liste à éclaircir ? L’accident.
Aller voir Matt pour lui poser des questions, peut-être ?
Bonne chose, l’historique des appels d’Ava nous permet de savoir précisément à quelle moment elle a appelé, donc c’est déjà ça de gagné.

“Tu te souviens de ce que t’as dit à tes frères au téléphone ? Peut-être qu’ils peuvent aider à combler les trous, si jamais.”

Tu relèves, l’air de rien. Tout témoin peut avoir son utilité !
Le fait qu’elle soit restée au lit toute la journée hier n’est pas spécialement rassurant, mais tant que t’as rien de plus, tu peux pas trop commenter à ce sujet. Et puis franchement toi aussi t’en serais capable, encore plus après une journée chargée en émotions et en frayeurs.

Le passage au Delight’s a l’air lui aussi plus que flou. Elle s’est attardée ? Oui, mais pourquoi ? Ava n’a pas l’air capable de te l’expliquer, et ça t’inquiète. Est-ce qu’il lui aurait fait quelque chose ? Bon, c’est un peu fort de café dit comme ça, mais du coup il entre sur la liste des personnes à voir ou à contacter pour remettre les choses dans le bon ordre.

“C’est bizarre. Tu crois qu’il a fait un truc magique puis qu’il a dit genre, “non c’est pas moi c’est les fées” ?”

Ça te parait étrange. D’ailleurs, quoi comme fées, hein ?
Tu finis par hausser les épaules après avoir reposé ton carnet. T’as encore plein de questions, mais peut-être que mettre le cerveau en pause ou au ralenti quelques minutes ou quelques heures vous ferait du bien à toutes les deux.

“Pour moi, faut qu’on appelle tes frères, et qu’on contacte Matt, puis Chris. Pour leur demander de nous aider à reconstituer la journée, tu vois c’que j’veux dire ?”

Puis tu te concentres quelques instants, tu réfléchis à ton propre passé mais t’as pas la sensation de pouvoir vraiment étayer son propos. Pas plus que ce qu’elle sait déjà en tout cas. C’est vraiment frustrant. Tu sais, tu le sais au fond de toi, qu’il y a quelque chose. Tu le sens. T’as grandi ici quoi, mince ! Et plus encore, tu sais que si Ava t’a appelé avec autant d’aplomb avant de venir, c’est qu’elle a du solide. Ou qu’elle en avait. Et tu l’admets pas, mais ça te fait un peu peur de la voir comme ça.

“Ben tu sais, à part ce que je t’ai déjà raconté, rien de spécial. Comme dans toutes les petites villes, y’a un peu des clans, des trucs un peu shady.”

Tu finis par siroter ton thé, enfin, il a un peu refroidi entre temps. Tu reposes la tasse pour t’allonger en travers sur le canapé, un poil envahissante mais tu t’en rend pas trop compte. Tu fais juste comme chez toi, quoi. Tu finis par lever un index.

“Ou bien. On peut observer genre, discrètement, Matt. Pour essayer de trouver des preuves. Parce que si on lui demande directement bah il peut toujours dire non et nous on saura toujours rien.”

Tu soupires. T’as l’impression que toutes les deux, vous effleurez un truc et que ce truc s’éloigne à chaque fois. Peut-être qu’il faudrait faire pause, prendre du recul pour voir ce qui vous échappe ?